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La filière optique en bref.

 

La filière optique et la démographie des différents acteurs à fait l’objet de nombreux rapports ces dernières années. Nous ne reviendrons pas en détails sur l’ensemble des données, mais chercherons uniquement à mettre en lumière certains points.

  

 


 

L’accès aux soins aujourd’hui, une situation déjà inadmissible

 

La filière souffre d’une pénurie croissante d’ophtalmologistes dans de nombreux territoires.

 

Pour les patients, cela se traduit par :

- Des délais d’attente particulièrement longs, souvent de plusieurs mois (environ 3 mois en moyenne, avec des pics à 6 mois dans les localités les moins médicalisées)
- Une hausse soutenue des dépassements d’honoraires. En 2010, les dépassements représentaient un quart des honoraires des ophtalmologistes, contre 16% pour l’ensemble des spécialités.
- Les usagers déplorent également des ophtalmologistes « inaccessibles », dans tous les sens du terme : secrétariat injoignable, toujours sur répondeur, qui tranche d’un « on ne prend plus de nouveaux patients » ou qui tente de les dissuader en proposant un rendez-vous un an plus tard.


Le cabinet de conseil JALMA nous fournit des résultats inquiétants, en 2014 le délai pour avoir un rendez-vous était de 111 jours en moyenne. 7% à peine des usagers auraient un rendez-vous dans les 2 semaines, 25% dans un délai de deux semaines à deux mois, 39% dans un délai de deux à six mois, et 39% au-delà de six mois.


Il faut également noter que de nombreux cabinets réduisent artificiellement les délais. Une pratique fréquente est d’ouvrir l’accès à l’obtention d’un rendez-vous pendant un laps de temps très court, souvent en début de mois, pour obtenir un rendez-vous 2 ou 3 mois après. Certains ophtalmologistes obligent même les patients à se déplacer physiquement, ce qui donne lieu à des scènes surréalistes, où les patients font la queue plusieurs heures et aux aurores pour obtenir le sésame : un rendez-vous chez l’ophtalmologiste.


De plus, les délais sont très variables d’une région à l’autre, d’un département à l’autre, avec d’importantes inégalités en leur sein. Certaines régions sont véritablement sinistrées et deviennent des déserts médicaux. Par exemple, dans la Loire, il faut en moyenne 327 jours pour obtenir un rendez-vous.

etude yssup aof

Entre 2012 et 2016, l’accès à l'ophtalmologie a diminué pour 38% des Français :

- 7,4 millions de personnes qui se trouvent en situation de désert médical,
- 10,3 millions de personnes qui ont un accès difficile,
- Soit 28% des Français en situation de "fracture sanitaire".
 
soins restreint aof
La situation est encore plus alarmante pour les spécialistes au tarif de la Sécurité Sociale, dont l’offre a reculé pour plus de la moitié des usagers. Lorsque l’on cherche à se soigner sans dépassement d’honoraires, c’est plus de 8 Français sur 10 qui n’ont pas suffisamment d’ophtalmologistes autour de chez eux. En 4 ans ce sont 35 millions de Français en plus qui vivent dans une commune où l'accès aux soins de santé visuelle sans dépassement d'honoraires est restreint.

Le taux de dépassement d'honoraires des ophtalmologistes est passé de 29% à 60% de 1990 à 2010 (Source : Assurance maladie, mai 2011).

fracture sanitaire aof

Cette situation va se détériorer de façon radicale au cours des années à venir, pour deux raisons :

- Une baisse drastique du nombre d’ophtalmologistes résultant d’un numerus clausus des études médicales trop bas ces dernières décennies et d’une vague de départs en retraite.
- Une explosion des besoins en soins ophtalmologiques de la population.

 

Pour reprendre une formule récente et publique du Dr Jean Bernard Rottier, vice-président du SNOF : « Nous allons arriver dans une situation telle, au niveau pression de la demande, que le cadre légal va exploser »

 


 

La démographie des ophtalmologistes

 

La démographie des ophtalmologistes et son évolution a fait l’objet de nombreuses études et rapports, nous reviendrons ici uniquement sur les chiffres à retenir de façon très synthétique.

 

On compte en France 5 800 ophtalmologistes, soit 1 ophtalmologiste pour 10 000 habitants. Les deux tiers des ophtalmologistes sont des seniors, dans 15 ans, ils seront à la retraite. Il n’y aura plus que 4000 ophtalmologistes en 2025.

 

Chaque année, pour 240 départs à la retraite, seuls 120 internes en médecine sont autorisés à devenir ophtalmologiste, en d’autres termes, 1 ophtalmologiste sur 2 n’est pas remplacé.

retraites aof

La réduction du nombre d’internes en ophtalmologie est ancienne (milieu des années 1970) et drastique. Nous pouvons voir sur la pyramides des âges précédentes que la rupture est brutale et importante.

Ce choix politique a été remis en question récemment, les quotas d’internes formés en ophtalmologie augmente à nouveau de façon progressive. Néanmoins cette augmentation prendra du temps à faire effet, puisqu’il faut 13 ans pour former un ophtalmologiste. De plus elle pose déjà aujourd’hui de vraie difficulté aux structures assurant la formation des ophtalmologistes, à l’heure actuelle les internes formés ne sont pas assurés de se voir proposer une place pour réaliser leur assistanat de 2 ans qui leur permettra de finaliser leur formation.


La démographie des ophtalmologistes est connue et annonce une véritable pénurie pour ces 15 prochaines années.

 

Pour mesurer toute la gravité de la situation, il faut mettre en relation leur démographie et l’explosion des besoins de la population.

 


 

Les besoins en santé visuelle

 

Les besoins en soins oculaires en France ont été multipliés par 3 en 30 ans.
L’activité de soins ophtalmologiques est passé de 11.5 Millions d’actes en 1980 à 32 Millions d’actes en 2010.

campagne info aof

La population française vieillit et les maladies liées à l’âge progressent : cataracte, glaucome, DMLA ...

L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) tire régulièrement la sonnette d’alarme.
D'ici à 2050, la planète comptera plus de 2 milliards de seniors, soit une personne sur 5, contre 841 millions aujourd'hui.


Ainsi, le nombre de personnes atteintes de troubles de la vision va considérablement augmenter : 
- Les personnes touchées par la DMLA vont doubler (3 millions d'ici 2020).
- Plus de 5 millions d'individus seront sujets à la cataracte
- Environ 2 millions au glaucome.
- Les troubles de la réfraction, tels que la myopie, vont augmenter de 14%.

prise en charge soins aof

Le nombre de pathologies va exploser, ainsi que le besoin de suivi et de traitements ophtalmologiques dans les prochaines années.


Dans le même temps les besoins visuels dans nos sociétés industrialisées sont devenus plus exigeants :
- Intensification du travail en vision de près.
- Omniprésence des écrans dès le plus jeune âge.
- Pourcentage très élevé de la population possédant un permis de conduire, qui exige d’avoir une vue parfaite.

 

lunettes aof

Les besoins vont exploser, selon les prévisions, les besoins en soins ophtalmologiques vont passer de 35M d’acte à 43M d’actes en 2025.

besoins soins aof

Lorsque l’on met en relation les besoins de la population avec la capacité de soins des ophtalmologistes, les prévisions annoncent que la moitié de la population ne sera plus couverte en 2025.

 


 

Les ophtalmologistes sur tous les fronts

 

L’ophtalmologiste a une situation très particulière dans l’offre de soins de médecine. C’est la seule spécialité qui couvre l’ensemble d’un appareil, ici l’œil et la vision. Il assure à lui seul les soins de première, seconde et troisième ligne. Aucun exemple comparable n’existe en médecine.

Habituellement les soins sont répartis de la façon suivante :


- Dans les services de première ligne, le professionnel n’est pas un spécialiste, on évalue le besoin de la personne et on y répond directement, par exemple en prescrivant une paire de lunettes. La première ligne réalise également un dépistage et peut ensuite diriger une personne vers un service spécialisé (dit de deuxième ligne)

 

- Les services de deuxième ligne répondent aux problèmes qui demandent un examen approfondi, un diagnostic, un traitement ou un service spécialisé. Les soins nécessaires sont plus complexes ; ils requièrent des compétences de spécialistes ou un équipement particulier.


- On a recours aux services médicaux de troisième ligne quand le problème de santé est complexe ou rare. Cette dernière ligne de soins nécessite des professionnels et des moyens techniques très spécialisés et peu répandus.

 

Dans la majorité des pays, l’ophtalmologiste partage les soins de première ligne, particulièrement ceux ou l’optométrie est reconnue. L’organisation des soins est bien différente. Généralement les ophtalmologistes se concentrent sur l’aspect médical, les traitements et le suivi des pathologies.

Lorsque l’on interroge les jeunes générations d’ophtalmologistes, bien peu sont intéressés par les prescriptions de lunettes, ce qui est bien compréhensible puisque l’ophtalmologie est une spécialisation chirurgicale.


Les progrès de l’ophtalmologie nécessitent de plus en plus des surspécialisations, à tel point qu’il est probable que dans quelques années un ophtalmologiste spécialisé dans le segment antérieur de l’œil ne pourra plus échanger et communiquer avec un ophtalmologiste spécialiste du glaucome.

 


 

La densité des ophtalmologistes en Europe

 

En 2006 la France se situait dans la moyenne européenne pour la densité ophtalmologique, aujourd’hui la densité est restée stable et s’est même légèrement améliorée puisque la densité moyenne pour la France entière est en 2015 de 8.9 (source SNOF).

tab ophtalmologistes union europeenne aof

La France est donc dans la moyenne européenne de densité d’ophtalmologiste, voire légèrement supérieur, dans le même temps nous avons la densité d’orthoptiste la plus élevée au monde, et pourtant nos délais pour avoir un rendez-vous sont parmi les plus longs d’Europe.

La seule explication à cette situation est la mauvaise efficacité du modèle Français.


Prenons pour exemple les cas de l’Allemagne et du Royaume Uni : les délais d’attente pour obtenir une consultation sont bien plus importants en France alors que ces deux pays ont une densité d’ophtalmologiste plus faible. Plusieurs études observent en France un délai moyen d’attente oscillant entre 2 et 7 mois selon la région, avec un maximum de 12 à 18 mois pour les régions dans lesquelles la population est relativement âgée et la densité d’ophtalmologistes est faible (inférieure à 6 pour 100 000 habitants).

 

En Allemagne, ce délai est plus court, pouvant aller jusqu’à 4 mois maximum. Au Royaume-Uni, aucun délai d’attente n’est observé en ce qui concerne les consultations.

 
soins primaires
Le modèle allemand est proche du modèle français. L’ophtalmologiste demeure au cœur du système. Les opticiens spécialisés et les optométristes peuvent procéder à certains examens. Les patients ont ainsi le choix de consulter en premier lieu un ophtalmologiste, un optométriste ou un opticien spécialisé. Les opticiens spécialisés et les optométristes sont légalement tenus d’orienter leurs clients vers un ophtalmologiste en cas d’anomalie détectée.

Contrairement à la France et l’Allemagne, le Royaume-Uni a clairement délégué les tâches de consultations et d’examens aux optométristes. Jusqu’en 1999, les optométristes avaient l’obligation de renvoyer leurs clients vers un ophtalmologiste en cas de dépistage d’une maladie ou d’un trouble visuel. Cela a changé en 2000, avec l’autorisation de procéder directement à des soins pour la plupart des maladies en recourant à l’ensemble des produits médicaux jugés adéquats par l’optométriste.

 


 

Les opticiens lunetiers

 

Les chiffres s’affolent :

 

Initialement, la première école d’optique a été créée en 1912. En 1970, nous comptions 3 écoles en France, aujourd’hui nous en comptons plus d’une centaine.

 

Il y a 15 ans, il y avait 10 000 opticiens.

 

La démographie explose : tous les 5 ans 10 000 nouveaux étudiants sont diplômés.

 

 demographie

En 2016, nous comptons 30 000 opticiens diplômés et ils seront plus de 50 000 dans 10 ans.


Dans le même temps de nombreux acteurs s’accordent pour dire que le marché arrive à saturation et que le nombre actuel de 14 000 point de vente ne devrait plus augmenter, mais au contraire diminuer.

demographie commerces aof

Au vu de la densité actuelle en magasins d’optique, on imagine mal un nombre de magasins supplémentaires et suffisants pour accueillir les 20 000 opticiens à venir sur ces 10 prochaines années.


D’autant plus que la moyenne d’âge des opticiens n’est que de 37 ans, les départs à la retraite ne compenseront qu’une très faible partie du nombre d’opticiens formés.

structure des professions

Cette situation obtient l’accord, au moins passif, des différents syndicats d’opticiens. En effet ces syndicats représentent uniquement les patrons ou les enseignes, et l’explosion du nombre de diplômés a pu leur assurer une main d’œuvre à bas coût. Aujourd’hui alors que les opticiens sont suffisamment nombreux et que la capacité d’accueil des magasins est saturée, il devient urgent d’endiguer ce flux de nouveaux diplômés.


Les opticiens qui sont dans l’immense majorité salariés, sont, en moyenne, moins bien rémunérés en France qu’à l’étranger. Malheureusement, les syndicats se soucient peu de représenter les opticiens salariés.

tab revenus fournisseurs aof

Par ailleurs, le comparatif régional montre que la densité d’opticiens est relativement homogène, ce qui implique que la surpopulation d’opticiens n’est pas liée à la structure économique des régions mais bien à un élément national.

comparatif regional

La densité des opticiens en France est la plus élevée en Europe, elle est 2.5x supérieure à nos voisins Allemand et 5x supérieure au Royaume-Uni.


Remarquons que la répartition géographique des opticiens est très homogène, contrairement à celle des ophtalmologistes.


L’Association des Optométristes de France (A.O.F.) milite pour un passage de la formation initiale au niveau licence. Non seulement un Bac+3 permettrait de proposer une année supplémentaire qui complèterait les compétences en santé, mais surtout elle permettrait de réguler la démographie des écoles et des opticiens.

 


 

Les orthoptistes

 

En 2002, le Professeur BERLAND, répondant à la demande du Syndicat National des ophtalmologistes de France (SNOF), préconisait le développement du nombre et de l’activité des orthoptistes, pour pallier aux défaillances des services oculo-visuels.

 

Quinze ans plus tard, malgré une augmentation de 59% du nombre d’orthoptistes, représentant le nombre le plus élevé au monde, les besoins oculo-visuels restent insatisfaits.

demographie professions

La France est le seul pays au monde à financer un tel nombre d'orthoptistes.

 

D’après le SNOF, un orthoptiste par ophtalmologiste permettrait d’accroître l’activité d’un cabinet de 30-35% en moyenne. Dit autrement, près d’un tiers des actes d’ophtalmologie seraient « assez simples » pour être délégués à un professionnel de l’œil compétent bien que non médecin.

 

Quinze ans après le lancement du développement du nombre et de l’activité des orthoptistes, on peut déjà établir un premier constat :

 

- L’accès à cette profession, lorsqu’ils exercent en libéral se réalise uniquement sur prescription médicale, ce qui lie étroitement les orthoptistes aux médecins prescripteurs qui, de fait, sont souvent ophtalmologistes. Le SNOF n’entend pas changer cet état de fait, il souhaite au contraire garder un contrôle absolu sur ses partenaires privilégiés. Ce lien étroit rend les orthoptistes dépendants des ophtalmologistes, et ne répond pas à la problématique de la répartition hétérogène des ophtalmologistes.

 

- Lorsque les orthoptistes exercent en consultation aidée, modèle défendu par le SNOF, ils exercent en unité de lieu sous la responsabilité d’un ophtalmologiste en capacité de contrôle et d’intervention immédiate. Cette organisation se réalise dans le sens du salariat, ce qui présente pour l’Assurance Maladie une source d’inefficiences : les actes d’ophtalmologie réalisés par les orthoptistes salariés restent en effet facturés aux tarifs des ophtalmologistes, avec dépassements le cas échéant. Les médecins employeurs bénéficient d’un « surplus » d’honoraires conséquent qu’ils ne pourraient percevoir autrement. Depuis la mise en place du travail aidé, les ophtalmologistes facturent au minimum deux actes, ce qui accroit les dépenses de soins. Le taux de dépassement d'honoraires des ophtalmologistes est passé de 29% à 60% de 1990 à 2010 (Source : Assurance Maladie, mai 2011).

 

- Les orthoptistes en travail aidé sont, par définition en unité de lieu des ophtalmologistes. Ils ont donc la même implantation géographique, et ne peuvent, par conséquent, remédier au problème des déserts médicaux en ophtalmologie.

 

- La formation d’un orthoptiste représente un coût pour le système de santé d'au moins 60 000 € / an et leur formation est entièrement à la charge de l’État, contrairement à la formation des optométristes qui est en grande partie pris en charge par le secteur privé de la filière optique.

 

- Malgré l’explosion du nombre de diplômés en orthoptie, ils sont en nombre trop limité (4 185 au 1er janvier 2015) pour couvrir les besoins d’aide à la consultation des ophtalmologistes pour ces prochaines années, et, comme les ophtalmologistes, leur couverture des territoires français est très inégale, avec de fortes concentrations et de véritables déserts. D’autres pistes devront forcément être étudiées.

 

- On observe actuellement une scission entre deux populations d’orthoptistes, une population « d’anciens orthoptistes » spécialisés dans l’examen de la sensorialité et de la motricité oculaire. Ils représentent la partie orthoptique de l’examen de la vision et ont un véritable intérêt dans des cas particuliers de strabisme, déviation, amblyopie, rééducation ... Mais ces orthoptistes ne sont pas formés aux actes qui leur sont confiés en aide à la consultation.
Parallèlement la nouvelle génération d’orthoptistes est formée spécifiquement pour assister les ophtalmologistes mais se désintéressent de plus en plus de l’orthoptie conventionnelle comme on la retrouve partout dans le monde. Si tous les nouveaux orthoptistes sont conditionnés pour le travail aidé, on peut se demander qui prendra en charge la rééducation orthoptique dans quelques années.

 

- Le travail aidé n'emporte pas l'adhésion de tous les orthoptistes, nombreux sont ceux qui préfèrent l'exercice libéral plus valorisant et mieux rémunéré.


Le SNOF est à l’origine de 4 décrets de compétences sur ces 15 dernières années pour les orthoptistes.
Initialement l’orthoptiste était spécialisé dans l’examen de la sensorialité et de la motricité oculaire, avec une activité particulièrement développée en rééducation orthoptique. Rappelons néanmoins qu’à l’inverse des optométristes, le métier des orthoptistes (rééducation de l’œil) ne les prédestine pas aux examens de la réfraction.


Aujourd’hui les décrets de compétences font des orthoptistes une nouvelle profession. Pour autant, aucun orthoptiste n’a reçu à l’heure actuelle la formation en adéquation avec les actes qui leur sont confiés.

En effet, à l’heure actuelle l’ensemble des orthoptistes en exercice ont été formés au niveau BAC+2, sur la base du Certificat de Capacité en Orthoptie en place depuis 1966, qui ne répond absolument pas à leurs nouveaux décrets de compétence.

En 2002, lorsque les ophtalmologistes ont mis en avant le développement de l’orthoptie, le Professeur BERLAND, portait un regard sévère sur leur formation :

« ...De l’avis unanime des professionnels eux-mêmes, la formation qui se fait au sein des facultés de médecine dans le cadre d’une Capacité Nationale est totalement à revoir. Les programmes datent de 1966 ! La formation théorique n’est absolument plus adaptée, la formation pratique est qualitativement très hétérogène quelquefois excellente, souvent médiocre. Les professionnels acquièrent une compétence plus au travers de leur exercice que grâce à la formation dont ils ont pu bénéficier. »

Source : Rapport d’étape du Pr. BERLAND, octobre 2003, page 39



La formation a été récemment réformée et les étudiants actuels obtiendront prochainement un niveau Licence, qui devrait, on peut l’espérer pour l’intérêt de la population, être plus en adéquation avec les nouvelles tâches qui leur sont confiées depuis une décennie.


La logique et la sécurité sanitaire voudraient que les professionnels se forment dans un premier temps, puis obtiennent de nouveaux droits et devoirs, et non l’inverse. C’est le parti pris par les opticiens qui se sont spécialisés au niveau Licence et Master.

 


 

La délégation de tâches

 

Dans l’ensemble des pays, la principale problématique de la filière de soins oculaires découle du vieillissement de la population. La cataracte est l’acte chirurgical le plus pratiqué, toutes chirurgies confondues. Les glaucomes nécessitent une surveillance fréquente. Le suivi et les nouveaux traitements des DMLA ont véritablement enlisé les cabinets d’ophtalmologie.


Bien qu’il s’agisse davantage de soins secondaires, il est clair que cet accroissement entraînera une augmentation du nombre de consultations et donc des coûts des soins primaires. Dans ce contexte, une détection plus rapide et efficace permettrait de réduire les coûts des soins secondaires, mais cela nécessite que le nombre de professionnels soit suffisamment important.


Ainsi, le rôle des soins primaires va devenir de plus en plus important pour répondre aux besoins d’une population vieillissante.

Les réformes des années 2000 en Allemagne et au Royaume-Uni ont été conduites dans la perspective de répondre à cet accroissement des pathologies. A cet égard, il apparaît clairement que la France est déjà en retard par rapport à ses voisins.


En effet, en comparant le nombre de fournisseurs de soins dans les trois pays, on observe qu’ils sont beaucoup moins nombreux en France.

En France, les ophtalmologistes pratiquent seuls les soins primaires en ophtalmologie, alors qu’ils sont accompagnés par les optométristes en Allemagne et au Royaume-Uni.

 

Bien qu’il soit difficile de comparer totalement les systèmes du fait des différences intrinsèques entre les professions (l’optométriste anglais a plus de compétences et fournit davantage de services de soins que son homologue allemand mais moins que l’ophtalmologiste allemand), certains faits saillants sont notables :


- En premier lieu, au total, on dénombre 8,9 fournisseurs de soins pour 100 000 habitants en France, alors qu’ils sont plus de 25 pour 100 000 habitants en Allemagne et près de 20 pour 100 000 habitants au Royaume-Uni.

 

- La forte densité de fournisseurs de soins en Allemagne est récente et résulte uniquement des réformes des années 2000, autorisant les optométristes à pratiquer des examens et des diagnostics. Auparavant, le nombre de spécialistes était proche du cas français.


Cet écart important entre la France et ses voisins semblent tenir principalement au fait que les autres pays ont intégré les optométristes dans le parcours de soins. En effet, on en dénombre plus de 18 pour 100 000 habitants dans les deux pays étudiés, et cela, notamment en raison des réformes des dix dernières années qui ont renforcé leur rôle.

 

Dans le cas du Royaume-Uni, on note que le faible nombre d’ophtalmologistes s’explique par le fait qu’ils travaillent, dans leur grande majorité, en hôpitaux, et sont en charge uniquement des cas nécessitant un diagnostic approfondi et une intervention chirurgicale. Par ailleurs, près de 20% des optométristes interviennent aussi en hôpital.


Enfin, il apparaît que la France a une surcapacité d’opticiens, qui sont, en proportion, deux fois plus nombreux qu’en Allemagne et cinq fois plus nombreux qu’au Royaume-Uni.

 

Malgré l’augmentation exponentielle du nombre d’orthoptistes formés, il est évident que ces mesures sont très insuffisantes pour couvrir les besoins de la population. Il apparaît indispensable d’utiliser toutes les ressources à disposition, dont les optométristes.


Actuellement le SNOF propose essentiellement des délégations en unité de lieu et s’oppose fermement à perdre un contrôle médical (et/ou financier) sur les actes délégués. L’aide à la consultation des orthoptistes, et la régularisation des optométristes en milieu médical sont indispensable pour dégager un temps médical précieux, ce procédé ne permet cependant pas l’accès aux soins dans les déserts médicaux en formation.


Déléguer à l’extérieur des cabinets va devenir indispensable, et pour cela les opticiens et les optométristes en magasin disposent d’un immense avantage : ils sont les professionnels de la filière de proximité, ils sont les plus accessibles. Tous les actes qui pourraient leur être délégués participeront à une simplification du parcours de soin des patients.

 

 tab population specialistes

 

 

 


 

Et les protocoles de coopérations ?

 

L'article 51 de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (dite loi HPST) a créé un cadre permettant la mise en place de coopérations entre les professionnels de santé sous le contrôle des agences régionales de santé (ARS) et après examen de la Haute Autorité de santé (HAS).

Sept années plus tard, force est de constater que ce système de coopérations peine à décoller en raison d'importantes limites liées à la spécificité des protocoles ainsi mis en place et à la complexité des procédures. Par ailleurs, il s'agit d'initiatives locales basées sur l'adhésion individuelle des professionnels de santé concernés et donc non transposables à l'ensemble des filières.

Un rapport du Sénat du 28 janvier 2014 (commission des affaires sociales) sur la coopération entre professionnels de santé, consacre un chapitre particulier à la filière visuelle, faisant le constat de compétences éclatées et d'une organisation particulièrement complexe qu'il conviendrait de clarifier.

Les rares exemples de coopération encourageants entre ophtalmologistes et orthoptistes ou opticiens, consistant en des délégations de compétence sur le dépistage de certaines affections ophtalmologiques sous la responsabilité du médecin, ne peuvent suffire à cette clarification, ni à régler la question de l'accès à la prescription de produits d'optique.

En effet, la solution préconisée par les ophtalmologistes, consistant en substance à adjoindre à leur cabinet des orthoptistes salariés faisant office de techniciens de la réfraction, ne permet pas de répondre aux besoins dans les déserts médicaux existants et à venir, de plus la prescription sera toujours facturée au tarif de la consultation avec les dépassements d'honoraires déjà décrits plus haut. En d'autres termes, le patient ne fera pas d'économie. Le gain de temps pour obtenir un rendez-vous ne se matérialise pas non plus en raison du faible nombre de coopérations mises en place.

Certains protocoles, sous l’influence du SNOF tendent à se développer sur le territoire, une fois de plus les actes délégués ne sont pas en adéquation avec les formations.

Pour certains protocoles de coopération, l’Association des Optométristes de France à répertorié des dizaines de pathologies qui échappaient à ses protocoles, avec pour conséquences de graves pertes de chance pour les patients.

Avec l’appui de médecins ophtalmologistes français et de docteurs en optométrie étrangers, l’Association des Optométristes de France n’hésitera pas à dénoncer toutes pertes de chance des patients.

Plusieurs systèmes de santé étrangers offrent l'exemple d'une organisation différente et plus efficace. Au Royaume-Uni, aux Pays-Bas ou encore au Canada, les médecins spécialistes en ophtalmologie sont très peu nombreux et leur activité est concentrée sur les cas pathologiques et la chirurgie. La mesure de la réfraction et plusieurs examens de dépistage relèvent en revanche des optométristes, actes pour la réalisation desquels ils sont spécialement formés, à la différence de l'orthoptiste qui est très majoritairement compétent en matière de bilan et de rééducation des déséquilibres oculomoteurs et des déficiences visuelles d'origine organique ou fonctionnelle.