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L'OPTIQUE ET L'OPTOMETRIE

 

Les pratiques en Europe

 

La France est l’un des pays où les optométristes, qui exercent sous le statut des opticiens, ont le champ de compétence le plus restreint. Leurs compétences sous-exploitées ne leur permettent pas de participer à la prise en charge des besoins de la population à la hauteur de leur formation.

 

Depuis la loi Hamon de 201421, la France est le seul pays d’Europe où la délivrance d’un équipement est subordonnée à l'existence d'une prescription médicale en cours de validité, sauf cas très particuliers.

 

Avant cette date, les opticiens avaient la possibilité de réaliser un équipement sans ordonnance. Les associations ou les ONG qui fournissent des lunettes gratuitement aux personnes en situation de précarité se trouvent aujourd'hui dans l'impossibilité de remplir leur mission auprès de ces personnes.

 

L’European Council of Optometry and Optics (E.C.O.O.) étudie régulièrement le champ de compétences des optométristes en Europe22, ou le cas échéant des opticiens lorsqu’il n’existe pas de statut règlementé pour les optométristes.

Optométrie pratiques soins

La prise en charge des pathologies de l’œil diffère grandement d’un pays à l’autre. Néanmoins, en raison du vieillissement de la population, une tendance se dégage, qui vise à renforcer le rôle des optométristes dans la fourniture d’examens, la prescription de d’équipement optique (lunettes et lentilles) et le dépistage des pathologies oculaires.

 

La profession d'optométriste est une profession pleinement reconnue dans la plupart des pays du Nord de l'Europe : Pays-Bas, Grande-Bretagne, Irlande, Suède, Danemark, Finlande, mais aussi Espagne et Suisse. Elle est largement pratiquée en Allemagne, en Autriche et au Luxembourg.

 

Qu’il s’agisse du Royaume-Uni ou de l’Allemagne, plusieurs réformes ont été mises en place afin de réduire les délais de consultation. Ces réformes ont eu pour principal effet d’accélérer le partage de tâches entre ophtalmologistes et les optométristes, et/ou les opticiens spécialisés.

 

Cette section fournit un état des lieux de la situation des soins oculaires dans plusieurs pays et met en évidence l’impact positif du transfert des tâches sur le fonctionnement de la filière : pour des soins similaires, les coûts sont relativement réduits, et la qualité des examens de base n’est pas détériorée lorsqu’ils sont pris en charge par les optométristes ou les opticiens qualifiés.

 

Pour faire face à la problématique de l’accès aux soins ophtalmologiques, commune à de nombreux pays, des réformes d’ampleur ont été mises en place en Allemagne, au Royaume-Uni, aux Pays-Bas ou en Suède.

 

Bien que leurs systèmes de santé diffèrent, ces quatre pays ont adopté une stratégie similaire : intégrer davantage les optométristes et les opticiens dans le parcours de soins en leur déléguant les examens routiniers afin de permettre aux ophtalmologistes de se recentrer sur le traitement des pathologies les plus graves et particulièrement sur la chirurgie de l’œil. La présence des optométristes a permis de combler le manque d’ophtalmologistes et de réduire les délais d’attente.

 

Dans les pays étudiés, les réformes visant à la délégation de tâches ont eu lieu au début des années 2000. Quinze ans plus tard, les retours d’expérience sont positifs : La délégation a permis de réduire sensiblement les files d’attente pour les soins de la réfraction : elles sont inexistantes au Royaume-Uni et deux fois moins longues en Allemagne qu’en France. Le cas des Pays-Bas est éloquent. Avant sa réforme, l’organisation du parcours de soins y était similaire à celui de la France, et les délais de consultations avoisinaient 4 mois. Depuis sa réforme, autorisant les optométristes à assurer les consultations et à renvoyer les patients vers des ophtalmologistes, les délais ont diminué de plus de 70% pour se stabiliser à 33 jours. Les coûts des traitements et des consultations n’ont pas été impactés par les réformes. La qualité des soins n’a pas été détériorée.

 

Plusieurs études, conduites par des médecins et des ophtalmologistes, ont testé la compétence des optométristes. Les résultats concluent toujours à l’adéquation de leurs qualifications avec les missions de consultations et de diagnostics basiques des maladies oculaires.

 

Ces études observent que la formation initiale de l’optométriste est déterminante, bien plus que les formations complémentaires effectuées en cours de carrière. Une expérience clinique acquise en formation est indispensable.

 

Enfin, le comparatif met en évidence une spécificité française concernant le marché des opticiens. A population constante, ces derniers sont deux fois plus nombreux qu’en Allemagne et cinq fois plus nombreux qu’au Royaume-Uni.

 

Le modèle Allemand

 

Le modèle allemand est proche du modèle français. L’ophtalmologiste demeure au cœur du système. Les opticiens spécialisés et les optométristes peuvent procéder à certains examens. Les patients ont ainsi le choix de consulter en premier lieu un ophtalmologiste, un optométriste ou un opticien spécialisé qui permettent d'assurer un dépistage rapide (sans diagnostic médical) et de référer si besoin : l'optométriste travaille donc en complémentarité avec l'ophtalmologiste et non en concurrence avec lui.

 

Aussi, en cas d’anomalie détectée, les optométristes ou les opticiens spécialisés sont légalement tenus d’orienter leurs clients vers un ophtalmologiste, leur champ de compétences en matière de traitement étant fortement restreint. L’opticien allemand a un statut d’artisan23. Il est autorisé à effectuer des diagnostics mais il lui est interdit d’être en contact avec l’œil.

 

Le statut d’optométriste n’est lui, pas reconnu formellement dans le droit allemand. Seul le diplôme délivré par l’académie ZVA de Knechtsteden (« Optometrist (ZVA/HwK) ») a été reconnu par les chambres de commerce de Saxe et de Brandebourg.

 

Pour autant, depuis 2000, sous la pression de la demande de soins et l’incapacité des ophtalmologistes à y répondre dans des délais acceptables, les optométristes sont autorisés à procéder à des tests de dépistage de maladies de l’œil, notamment des glaucomes. Ils ont à présent, le droit de pratiquer des tests de tonométrie, de périmétrie, de sensibilité chromatique, d’acuité visuelle et peuvent conduire l’ensemble des examens internes et externes de l’œil.

 

L’ophtalmologiste allemand n’est donc plus l’unique pierre angulaire (ou « gatekeeper ») du système : 80% des Allemands ont déjà consulté un optométriste et 73%24 des prescriptions de lunettes correctrices ont été faites par des optométristes ou des opticiens.

 

Ce développement est lié au fait que le nombre de cabinets d’opticiens a fortement augmenté et que chaque cabinet compte au moins un optométriste.

 

Le modèle Britannique

 

Contrairement à la France et l’Allemagne, le Royaume-Uni a clairement délégué les tâches de consultations et d’examens aux optométristes.

 

Jusqu’en 1999, les optométristes avaient l’obligation de renvoyer leurs clients vers un ophtalmologiste en cas de dépistage d’une maladie ou d’un trouble visuel.

 

Cela a changé en 2000, avec l’autorisation de procéder directement à des soins pour les maladies qui ne nécessiterait pas l’intervention d’un ophtalmologiste, et en recourant à l’ensemble des produits médicaux en libre accès, jugés adéquats par l’optométriste25.

 

Le rôle des ophtalmologistes s’est, par conséquent, recentré sur les activités les plus sensibles, notamment la chirurgie, et s’est déplacé vers les hôpitaux et vers des cliniques privés (sous contrat avec le NHS).

 

Aujourd’hui, la grande majorité des consultations est assurée par les optométristes et seuls certains ophtalmologistes en formation ou proches de la retraite continuent à recevoir des patients pour des troubles courants de la réfraction.

 

Le modèle Néerlandais

 

Aux Pays-Bas, la filière des soins oculaires a connu un grand bouleversement au début des années 2000.

 

Auparavant, le système était semblable à celui de la France, avec l’ophtalmologiste au cœur du parcours de soins et, des orthoptistes et des optométristes sous sa responsabilité.

 

Face à l’allongement des délais de consultations, une réforme a reconnu le statut des optométristes et les a autorisés à conduire des examens, établir des diagnostics et prescrire directement les soins. De ce fait, les optométristes ont été placés au centre du parcours de soins.

 

Afin de limiter les tensions entre ophtalmologistes et optométristes, l’organisation de leur activité a fait l’objet d’un conseil de l’ensemble des professionnels de l’œil (National Eye Care Platform). Ce conseil a défini l’étendue de l’activité des optométristes et a précisé leur responsabilité civile à l’égard des patients.

 

Un soin particulier a été porté aux risques induits par la double compétence des optométristes : celle de prescrire et de distribuer les équipements optiques. A cet égard, le gouvernement a imposé un Code Ethique des optométristes créant une barrière entre la fonction « médicale » et la fonction « commerciale ». Ce Code impose notamment aux optométristes de fournir une ordonnance à leurs patients afin que ceux-ci puissent acheter leurs produits ailleurs. De plus, le Code interdit aux optométristes de vendre des produits à des patients qui ont été envoyés par des opticiens, ou d’autres optométristes, pour être examinés.

 

Aujourd’hui, le rôle des optométristes est presque aussi vaste qu’au Royaume-Uni. Les optométristes néerlandais sont en charge du dépistage des maladies de l’œil et sont autorisés à utiliser l’ensemble des instruments et produits médicaux disponibles. Néanmoins, contrairement au Royaume-Uni, en cas de maladie de l’œil diagnostiquée chez un patient, les optométristes néerlandais ont l’obligation de le rediriger vers un praticien général ou vers un ophtalmologiste.

 

La conduite d’examens supplémentaires pour les patients ayant des maladies chroniques est autorisée si elle fait l’objet d’une prescription par le praticien général ou l’ophtalmologiste.

 

En permettant de diviser par 4 les temps d’attente, la réforme du statut des optométristes a parfaitement rempli son objectif. Par ailleurs, la délégation de tâches a permis de désengorger les hôpitaux26.

 

La réforme des optométristes a permis un recentrage de l’activité des ophtalmologistes sur leurs activités de chirurgie et de traitement de pathologies les plus graves. Cette fonction était mise en péril par la faible densité des ophtalmologistes, qui n’étaient que de 4,4 pour 100 000 habitants.

 

Aujourd’hui, cette densité n’a pas évolué mais se concentre dans les hôpitaux, grâce à la forte densité en ville d’optométristes, d’opticiens spécialisés et de généralistes, à qui les consultations ont été déléguées.

 

Au total, quinze ans après la réforme, la densité de spécialistes – toutes professions confondues – est passée de 4,4 à 15,9 pour 100 000 habitants.

 

Le modèle Suédois

 

Le système de soins suédois est considéré comme l’un des plus efficaces et des plus équitables au monde27.

 

Au cours des 30 dernières années, la Suède a su maintenir une stabilité de ses dépenses de soins, représentant en moyenne 9,5% du PIB sur l’ensemble de la période, alors même que la population est l’une des plus vieille du monde, avec 18% de plus de 65 ans et plus de 5% ayant plus de 80 ans.

 

Le système suédois est fondé sur une couverture universelle très vaste – financée par l’impôt – dont l’étendue est suffisamment large pour éviter de recourir à une couverture complémentaire. Ainsi, seuls 5% des Suédois cotisent à une complémentaire santé.

 

L’organisation du parcours de soins est décentralisée : l’Etat central fixe les objectifs de qualité et définit la réglementation générale puis laisse les 21 provinces définir les modalités de son application. Pour autant, certains faits généraux demeurent communs à l’ensemble des provinces.

 

Ainsi, la plupart des médecins généralistes sont salariés dans des hôpitaux publics bien que, depuis 2010, généralistes comme spécialistes aient tendance à se mettre à leur compte. Ce changement est lié à une réforme nationale qui autorise les patients à choisir leurs médecins, généralistes comme spécialistes. Par ailleurs, cette réforme a permis aux patients d’aller directement consulter un spécialiste, au lieu de passer, comme auparavant, par un généraliste. Néanmoins, s’ils décident de consulter un spécialiste sans y être envoyé par un généraliste, le coût de la consultation est majoré. En conséquence, il n’existe plus de réel «gatekeeper» dans le parcours de soins. Cette réforme a eu un impact direct sur le parcours de soin oculaire.

 

Comme au Royaume-Uni ou en Allemagne, les patients ont le choix de consulter un ophtalmologiste ou un optométriste.

 

Ce choix a favorisé l’émergence d’une division des rôles entre les différents acteurs de la santé visuelle. Ainsi, les optométristes assurent la majorité des examens (plus de 75%) et sont autorisés à conduire l’ensemble des tests nécessaires à l’établissement de diagnostic et à fournir des lunettes et des lentilles de contact.

 

En revanche, ils ont l’obligation de renvoyer leurs patients vers un ophtalmologiste lorsqu’il est nécessaire d’utiliser des produits de diagnostic ou d’effectuer des opérations de l’œil.

 

Dans l’ensemble, l’organisation du système est donc très proche de celle observée en Allemagne et, logiquement, on observe des densités de spécialistes comparables. Ainsi, pour 100 000 habitants on compte en Suède 22 optométristes, 7 ophtalmologistes et 22 opticiens.

 

Le système suédois compte 29 spécialistes et 22 opticiens pour 100 000 habitants, ce qui confirme les observations précédentes quant à la faiblesse du nombre de spécialistes en France et la surpopulation d’opticiens.

 

21 Loi Hamon du 17 mars 2014 venant modifier l’article L. 4362-10 du Code de la santé publique

22 ECOO Blue Book 2018

23 Code de l’Artisanat (Handwerksordnung – HwO)

24 Cagnolati, W. (2011). Die deutsche Augenoptik und Optometrie im Umbruch. Die Kontaktlinse, 45(1), 2-6.

25 College of Optometrists. (2011). UK Eye Care Services Survey.

26 Siciliani, L., Borowitz, M., & Moron, V. (2013). Waiting Times Policies in the Health Sector: What Works? OCDE Health Policy Studies.

27 Davis, K. et al. (2014) Mirror, Mirror on the Wall. How the Performance of the U.S. Health Care System Compare Internationnaly, Commonwealth Fund.